Capitaine des vaisseaux
de la Compagnie des Indes, originaire de Port-Louis où il
est né en 1717, Jean-François-Marie de Surville naviguait
depuis 1726.
A son retour en France après la Guerre de Sept
Ans, (1756 - 1763) de Surville demanda à la Compagnie des
Indes Française l'autorisation de commencer à faire
du commerce dans la zone couverte par la Compagnie.
Il obtient cette autorisation et, avec Jean-Baptiste Chevalier,
Gouverneur d'un Comptoir français des Indes, crée
un consortium
La construction du "St Jean Baptiste", un navire de 500
tonneaux, armé de 36 canons, commença sous la surveillance
de de Surville. Le secrétaire d'Etat de la Marine, Choiseul-Praslin,
lui confia la mission de repérer dans l'océan Pacifique
les points susceptibles d'être utilisés par les Français
pour le commerce, et éventuellement dans une guerre maritime.
L'équipage du St Jean Baptiste, sous le commandement de Surville, comprenait 114 hommes, encadrés par deux lieutenants
: Guillaume Labbé et Potier de l'Orme.
En 1767, le St Jean Baptiste quitta
la Bretagne pour arriver dans la région du Gange un mois
plus tard. De Surville commença à faire du commerce
dans toute cette zone orientale. Mais, alerté par des rumeurs
parlant de la découverte par un bateau anglais d'une "île
très riche" dans le Pacifique, de Surville décida
d'essayer de localiser cette île si tentante.
En mars 1769, le St Jean Baptiste fit donc voile, depuis le Bengale,
vers Yanaon, un autre comptoir français des Indes. Après
y avoir fait escale, le St Jean Baptiste se remit en route le 2
juin, et arriva dans le détroit de Malacca.
Là, de Surville se réapprovisionna puis entra en
Mer de Chine du Sud le 19 juin. Le 1er août 1769, Pulo Condore
était en vue, puis, le 17 août, les Philippines. Le
17 octobre ils apercevaient les côtes des Iles Solomons. Le
St Jean Baptiste y aborda, pour s'approvisionner en denrées
fraîches et en eau, pour l'équipage qui souffrait cruellement
du scorbut. Des mésententes entre les habitants du site et
les Français produisirent des violences et des morts. Les
Français durent partir, les mains vides. Le 7 novembre, après
plusieurs tentatives infructueuses pour trouver un endroit plus
hospitalier où aborder, et alors qu'il y avait de plus en
plus de malades parmi l'équipage, de Surville entra dans
la Mer de Corail.
Alors que, sans le savoir, il mettait le cap directement vers la
Nouvelle Calédonie, (pas encore découverte à
l'époque), il fut dévié par les courants, et
passa outre, juste trop loin pour voir la terre.
Le nombre de malades et de morts parmi l'équipage ne cessant
de croître, il devenait urgent pour de Surville de trouver
un mouillage où il fût en sécurité. Il
savait qu'Abel Tasman avait fait le relevé des côtes
de la Nouvelle-Zélande un siècle auparavant, et, en
s'aidant des cartes de Tasman, il décida de se diriger vers
la Nouvelle-Zélande, qu'il savait se trouver quelque part
dans la région.
C'est avec une certaine appréhension que de Surville se
mit à la recherche de la Nouvelle-Zélande. Tous les
explorateurs connaissaient bien les récits de Tasman rapportant
les massacres de la "Baie du Massacre". Mais l'équipage
du St Jean Baptiste était en très mauvais état
et il était impératif de pouvoir débarquer
quelque part.
Finalement, à 11 heures 30 du matin, le 12 décembre
1769, le St Jean Baptiste fut en vue de la côte de Nouvelle-Zélande,
juste au sud de Hokianga Harbour. Le navire continua vers le nord,
à la recherche d'un endroit où mouiller en sécurité.
Les conditions atmosphériques étaient mauvaises. Le
13 décembre, de Surville contourna le Cap Marie Van Diemen.
C'est là que le St Jean Baptiste croisa "The Endeavour"
sans qu'aucun des bateaux ne puisse apercevoir l'autre, tellement
le temps était mauvais.
C'est extraordinaire de penser que de Surville et James Cook débarquaient
tous les deux en même temps dans un pays qu'aucun Européen
n'avait visité depuis Tasman, un siècle plus tôt.
Dans la soirée du 17 décembre,
le St Jean Baptiste jeta l'ancre dans une baie que de Surville baptisa
"Baie de Lauriston", en l'honneur de Lauriston, Gouverneur
des Indes Françaises. Le Capitaine Cook avait déjà
donné à cette baie le nom de "Doubtless Bay",
bien qu'il soit seulement passé sans y jeter l'ancre.
Heureusement pour de Surville, à Doubtless Bay de bonnes
relations s'établirent entre les Māoris et les Français.
De Surville put refaire le plein de provisions et commencer à
prendre soin des nombreux malades de son équipage. Malheureusement,
Doubtless Bay ou la Baie de Lauriston, n'offrait pas l'abri d'un
vrai port, et de Surville se vit contraint à rechercher un
endroit plus sûr. Mais, alors que les membres malades de l'équipage
regagnaient le St Jean Baptiste après une journée
à terre, le 27 décembre, un vent violent les força
à regagner le rivage.
Pendant ce temps, le St Jean Baptiste était lui-même
en difficulté, et ses ancres avaient du mal à résister.
Le risque de voir le navire se briser sur les rochers alentour augmentait.
Après bien des efforts, l'équipage réussit
finalement à faire manoeuvrer le bateau jusqu'à une
petite crique, que de Surville nomma "Crique du Refuge".
Le St Jean Baptiste avait subi beaucoup d'avaries, gouvernail brisé,
mâts et voiles endommagés, et deux ancres perdues.
Le 29 décembre, le temps permit enfin à l'équipage
de procéder aux réparations. Deux jours plus tard,
un canot, que l'on avait pensé perdu pendant la tempête,
fut tout à coup aperçu depuis le navire. Un groupe
de Māoris était en train de l'inspecter avec beaucoup d'intérêt.
Quand les Māoris se virent surpris par de Surville, ils halèrent
le canot à l'intérieur des terres, et le cachèrent
à sa vue. Furieux, de Surville et ses hommes s'arrangèrent
pour capturer un Māori et le forcer à révéler
ce qu'il savait à propos du canot. Puis, au lieu de relâcher
son prisonnier, de Surville l'emmena à bord du navire.
Le St Jean Baptiste quitta alors précipitamment les eaux
néo-zélandaises (le 31 décembre 1770), pour
éviter toute représaille de la part des Māoris. Le
prisonnier, Ranginui, se trouvait être un chef Māori. Il mourut
du scorbut le 24 mars 1770. De Surville lui-même se noya dans
les eaux profondes au large des côtes du Pérou, en
avril 1770, alors qu'il allait chercher de l'aide pour son équipage,
à nouveau frappé par le scorbut.
Aujourd'hui, une plaque commémorative
marque le lieu de mouillage du St Jean Baptiste dans la Doubtless
Bay. On peut y lire :
"Jean-François-Marie de Surville jeta l'ancre avec
son bateau le St Jean Baptiste, dans la "Doubtless Bay",
17 - 31 décembre 1769, pour y faire reprendre des forces
à ses hommes. Il se rendit dans un Pa de cette région
le 30 décembre". Les "Surville Cliffs", falaises
qui se trouvent à l'extrémité nord de la Nouvelle-Zélande,
sont ainsi nommées en l'honneur de Jean-François-Marie de
Surville.
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