Abel
Janszoon Tasman est né en 1603 dans le village de Lutjegast,
dans ce qui est aujourd'hui la province de Groningue, aux Pays-Bas.
On sait très peu de chose sur les premières années
de Tasman, et il n'existe aucun portrait de lui.
En 1632, il épouse Jannetje Tjaerts. Ce que l'on sait de
lui à cette époque, c'est qu' il était précédemment
resté veuf, et qu'il est enregistré comme simple marin
("vaerentgesel"), habitant Amsterdam, dans une rue nommée
Teerketelsleeg.
En 1633, Tasman, entre à la V.O.C (Verenigde Oostindische
Compagnie). La Compagnie est dirigée par un bureau de 17
membres ("de Heeren XVII ") et répartie en Chambres
de Commerce dans les principales villes commerçantes : huit
à Amsterdam, et quatre en Zélande, une province maritime
des Pays-Bas. Après avoir été engagé
par la Compagnie, Tasman embarque vers l'Est, pour un contrat de
trois ans.
En 1638, il quitte à nouveau les Pays-Bas, cette fois pour
Batavia (aujourd'hui Djakarta, en Indonésie), comme Commandant
du vaisseau "Engel", et avec un contrat de dix ans. Sa
femme part avec lui.
Batavia était devenue une riche
cité et la V.O.C, grâce à son installation
dans cette excellente plaque tournante des Indes Orientales, connaissait
succès et pouvoir, ne manquant ni d'argent, ni d'hommes,
ni de bateaux.
Le 13 août 1642 Tasman reçoit des instructions : il
doit trouver ce mystérieux Continent Austral, que l'on suppose
riche, et que, depuis des siècles, convoitent les explorateurs.
Cette terre inconnue, Terra australia incognita, était censée
se trouver au milieu du Pacifique. Tasman avait pour mission de
prendre possession de tout continent et de toute île découverts
au cours de son voyage et d'y débarquer "au nom de Sa
Grandeur le Gouverneur Général des Provinces Unies".
Deux vaisseaux furent équipés pour cette mission
: le " Zeehaen", une flûte (un bateau mince et long
- comme une flûte- avec trois mâts et une poupe arrondie)
de 100 tonneaux, avec 50 hommes à bord, et le "Hemmskerck"
le navire "amiral", celui qui battait pavillon, un petit
bâtiment de guerre de 60 tonneaux environ, avec 60 hommes
à bord. Frans (Franchoys) Jacbszoon, un célèbre
cartographe, accompagnait Tasman.
Le 13 décembre 1642, la côte
de Nouvelle Zélande est en vue, et Tasman parle dans son
journal d'un "groot hooch verheven landt" : "un grand
pays, tout en hauteur
". Tasman appelle ce pays "Staten
Landt", en référence au "Pays du States-General
-néerlandais".
Le site vu par Tasman se trouvait dans la région côtière,
entre ce qui est maintenant Hokitika et Okarito, sur la côte
ouest de l'Ile du Sud.
Tasman appelle le pays qu'il découvre, "Staten Landt". Il pensait, sans en être certain, qu'il s'agissait des confins orientaux du pays découvert dans l'Océan Atlantique Sud, en 1616, par ses compatriotes Willem Schouten et Isaac Le Maire. (Le détroit de Le Maire, ou Estrecho de le Maire, se trouve au sud du Chili, entre la Terre de Feu et Estados). On croyait, à l'époque, qu'il s'agissait de l'extrême pointe nord du Continent Austral.
Tasman note dans son journal : "Nous avons donné
à ce pays le nom de Staten Landt, en l'honneur de Sa Grandeur
le Gouverneur Général, puisqu'il est bien possible
que ce pays soit rattaché au "State Landt" - quoique
ce ne soit pas prouvé. Ce pays semble être un très
beau pays, et nous pensons qu'il s'agit là de la côte
principale du continent austral."
(Quelques mois plus tard seulement, Hendrik Brouwer prouvera que
le " Staten Landt " de Tasman n'était pas relié au "State Landt".)
Le 18 décembre, au coucher du soleil, les Hollandais jettent
l'ancre au large des côtes de Taitapu Bay (l'actuelle Golden
Bay). Ils décident de chercher un bon mouillage pour y attendre
le moment de débarquer. Ils avaient besoin d'eau
potable fraîche. On envoie en reconnaissance une yole et une
pinasse.
Les deux embarcations de reconnaissance reviennent faire leur rapport,
et peu de temps après, alors que la nuit tombe, des lumières
s'allument sur le rivage. Deux canoës apparaissent et leurs
occupants commencent à souffler dans ce que les Hollandais
diront ressembler à des instruments "mauresques".
Les gens des canoës hèlent les Néerlandais, mais
la communication est tout à fait impossible, aucun ne comprenant
le langage de l'autre. Au bout d'un moment, les deux canoës
s'éloignent à la pagaie.
Le lendemain matin, un nouveau canoë
arrive, et une fois encore, les indigènes appellent les Hollandais.
La communication reste impossible. Tasman notera que les hommes
des canoës "avaient des cheveux noirs, attachés
juste au-dessus de la tête, de la même façon
que les Japonais les portent, eux, derrière la tête,
mais leurs cheveux étaient plus long et plus épais.
Sur la touffe de cheveux, ils portaient une grande et large plume
blanche. Ils étaient nus des épaules à la ceinture."
Les Néerlandais invitent les Māoris à venir à
bord, mais sans succès. Comme les Māoris ont l'air bien disposés,
et après avoir tenu conseil à bord du Heemskerck avec
les officiers du Zeehaen, les Hollandais décident de faire
avancer leurs bateaux un peu plus, et de jeter l'ancre aussi près
que possible de la côte.
Entre temps, sept autres canoës indigènes sont arrrivés,
certains s'approchant à moins d'un jet de pierre des navires.
Pour éviter que des indigènes en trop grand nombre
ne cherchent à monter à bord, le capitaine du Zeehaen,
venu tenir conseil sur le Hemmskerck, renvoie un canot jusqu'au
Zeehaen, avec un message enjoignant à ses jeunes officiers
d'être sur leurs gardes.
Alors que le canot revient au Hemmskerck après avoir porté
son message, un canoë indigène pagaie vers lui à
toute vitesse et le heurte violemment, tuant trois marins et blessant
mortellement un quatrième. Trois autres marins réussissent
à nager jusqu'au Hemmskerck, et sont repêchés
et mis en sécurité. Les indigènes s'éloignent
à la pagaie avec un des corps, en jettent un autre à
la mer, puis laissent dériver le canot, qui sera récupéré
par les Néerlandais.
Les Hollandais ouvrent le feu sur les Māoris qui battent en retraite
à toute vitesse, mais les canoës sont déjà
près de la côte et hors de portée. Les navires
hollandais lèvent l'ancre immédiatement et mettent
les voiles. Pendant ce temps, vingt deux autres canoës se sont
massés en bord de mer, et onze autres "pleins à
craquer" pagaient rapidement vers les navires.
Tasman attend que les canoës se rapprochent avant de tirer
un ou deux coups de faible portée. Un Māori, debout dans
un des canoë, est touché. Aussitôt les canoës
virent de bord pour regagner la côte rapidement.
Après cet incident, Tasman donna à la baie le nom
de "Moordenaers Baij" : la Baie du Massacre.
Les navires néerlandais continuèrent
vers le Nord, passant au large des îles qu'ils baptisèrent
"Iles des Trois Rois" (en l'honneur des Trois Mages bibliques,
parce que les bateaux y jetèrent l'ancre le Jour des Rois)
à la pointe nord de l'Ile du Nord, là où le
Pacifique Sud et la Mer de Tasman se rejoignent.
Tasman baptisa la pointe nord-ouest de l'Ile du Nord de la Nouvelle
Zélande Cap Marie van Diemen, du nom de la femme du Gouverneur
Général de Batavia, Antony van Diemen.
Puis il poursuivit son voyage, sans avoir jamais eu la possibilité
de débarquer sur le sol de la Nouvelle-Zélande. Il
revint à Batavia le 14 juin 1643.
Un nouveau voyage fut prévu pour octobre 1643, mais il fallut
l'annuler à cause de la reprise des hostilités avec
les Portugais.
Tasman mourut en 1659. Il laissait,
semble-t-il, 25 gulden aux pauvres de son village, et ses biens furent
partagés entre sa femme Jannetje et Claesgen, la fille de
son premier mariage.
A partir de la fin des années 1600 les Hollandais perdirent
leur suprématie sur mer, au profit de deux nouvelles puissances
maritimes : la France et l'Angleterre. Mais tous les explorateurs
européens continuèrent à utiliser les cartes
des Hollandais qui avaient la réputation d'être les
meilleures cartes marines au monde, à cette époque.
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